SLC Maiale

SLC Maiale

 

Dans l’histoire de guerre des marines modernes, les opérations spéciales ont toujours gardé un volet secret. Qu’il s’agisse des opérations menées par les « torpilles humaines », les « hommes grenouilles », ou même les opérations sous-marines, il est très difficile d’écrire leur histoire. En raison de leurs spécificités et du secret absolu entourant l’activité des unités liées aux missions spéciales, la documentation reste souvent classée « top secret » et est pratiquement inaccessible aux historiens. Sabotage et espionnage sont intimement liés. Pour mémoire, je ne citerai que ces deux exemples : en 1956, la disparition de Crabb, homme grenouille anglais en mission secrète, ou ces dernières années, le naufrage du sous-marin russe ‘Koursk’. Combien de théories n’ont elles  été échafaudées pour expliquer ces mystères.

En étudiant l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, il est assez difficile d’imaginer une situation d’opérations dans laquelle un nombre peu élevé de combattants peut infliger à l’ennemi des dégâts aussi importants. C’est le cas  de l’unité d’assaut Decima Flottiglia MAS (10th MAS Flotilla). Il existe une polémique entre historiens sur les actions ou pour certains sur le manque d’action de la marine italienne lors de la Seconde Guerre mondiale. En adaptant un concept d’opérations datant de la Première Guerre mondiale aux conditions de combats du deuxième conflit mondial , une poignée d’hommes appartenant à une unité d’élite ont écrit une page de gloire  qui les hissent au plus haut rang du courage, de l’abnégation et de l’héroïsme. En 1939, après l’invasion de l’Ethiopie par les forces italiennes, la Royal Navy a transféré  une partie de la Home Fleet en Méditerranée. Le renforcement de la présence britannique dans cette zone  par ce complément d’unité était un signal fort envoyé au gouvernement italien. La Regia Marina était à cette époque en pleine expansion, mais le redéploiement des forces britanniques a rapidement retourné l’équilibre contre l’Italie. Durant cette période de tension, deux ingénieurs navals, Teseo Tesei et Elios Toschi ont conjointement eu l’idée de moderniser le concept du « Mignatta » (sorte de torpille guidée manuellement et employée avec succès lors du premier conflit mondial). L’idée a été rapidement acceptée et un petit groupe d’une vingtaine de personnes s’est mis au travail dans le plus grand secret. Les prototypes ont été évalués avec des résultats des plus prometteurs. Avec la fin de la campagne d’Ethiopie, la tension internationale est retombée et la paix semblait à nouveau rétablie. L’intérêt du « Della Marina Ministero » diminua,  le projet fut arrêté et oublié pendant un an et demi. En 1937, la possibilité d’un conflit en Europe  refit le jour. Et les expériences recommencèrent. Cependant, un temps précieux avait été perdu, annulant toute chance d’avoir des engins opérationnels prêt pour des attaques massives en cas d’ouverture des hostilités. La « Siluro a Lenta Corsa », plus connu sous le nom de «  Maiale » (cochon) était conçu à partir des dimensions standard d’une torpille soit 533mm. Sa longueur était de 6,70m, portée ultérieurement à 7,30 m. Le corps de forme cylindrique est divisé de trois parties principales. A l’avant on trouve une ogive détachable contenant 230 Kg d’explosif, du « Tritolital », la partie centrale comprend le poste de pilotage où prennent place des deux opérateurs. Ils sont assis sur l’emplacement des accumulateurs électriques servant à la propulsion de l’engin. Le système de propulsion et de gouvernes se situe à l’arrière de l’engin. Un moteur électrique à 4 vitesses d’une puissance de 1,6 Hp (cinq pour les modèles ultérieurs) permet d’atteindre une vitesse de 3 miles nautique en plongée et un rayon d’action de 15 miles en vitesse de croisière de 2,3 miles nautique. En théorie, la mise en œuvre de l’engin est simple, elle est un peu plus compliquée dans les conditions réelles d’une opération de guerre. Un sous-marin modifié spécialement pour le transport de SLC ou tout autre moyen emmène celle-ci au plus près de l’objectif à détruire. Les opérateurs pilotent l’engin et traversent le rideau de filets anti-torpilles qui protègent l’entrée de la base navale. Ensuite, ils s’approchent doucement de la coque du navire. Ils tendent un câble d’acier  entre les quilles de renflement. L’ogive est accrochée au câble et est ensuite détachée du SLC. La mise à feu de la charge explosive est faite à l’aide d’un système d’horlogerie permettant aux opérateurs de se retirer en toute sécurité.  Toute l’opération se déroule bien sûr dans une eau glauque où la visibilité souvent ne dépasse pas quelques mètres. Le moindre éclat de lumière ou un simple remous dans l’eau peut signaler la présence à la vigilance des sentinelles et faire capoter l’opération. Une fois celle-ci menée à bien, encore faut-il arriver à s’extraire de la zone et échapper aux recherches menées par l’ennemi.  Rien de plus simple !!!!
La première opération  menée par les SLC fut couronnée de succès. Le but était de détruire des navires de ravitaillement stationnés dans le port de Gibraltar. Amenées à pied d’œuvre par le sous-marin SCIRE, trois SLC furent engagés dans l’attaque. Ils coulèrent le navire citerne FIONA et endommagèrent gravement deux autres navires de transport. Tous les opérateurs  rejoignirent la côte espagnole et rallièrent rapidement  l’Italie. Mais l'opération la plus célèbre impliquant des SLC a eu lieu pendant la nuit entre le 18 et le 19 décembre1941. Le sous-marin SCIRE, piloté par LCDR Junio Vallerio Borghese, amena  à pied d’œuvre trois SLC à l’entrée du port d’Alexandrie en Egypte.
Deux équipages (Durand Penne/Bianchi de La et Marceglia/Scergat) placèrent leurs ogives au-dessous des cuirassés H.M.S Valiant et H.M.S Queen Elizabeth, tandis que le troisième  (Martellotta/Marino) ne localisèrent pas le porte-avions assigné, qui avait entre temps quitté Alexandrie et prirent  le navire-citerne SAGONA comme cible de remplacement. Quelques heures plus tard, de fortes explosions retentirent. Les deux cuirassés touchés à mort s’enfoncèrent dans les eaux du port. La troisième explosion avait endommagé le navire citerne et le destroyer Jervis amarré côte à côte. Tous les opérateurs survécurent à l’attaque mais furent fait prisonniers par les Britanniques. Dans l’année qui suivit, les SLC menèrent encore avec succès quelques opérations, en particulier contre le port d’Alger. En mai et août 1943, Gibraltar fut encore pris pour cible. L’armistice mis fin officiellement aux opérations des SLC. Quelques engins restèrent aux mains la RSI (Repubblica Sociale Italiana). Ils ne furent engagés dans aucune opération. A la fin du conflit, le bilan des attaques des SLC est éloquent, trois navires de guerre sont totalement détruits soit 60 000 tonneaux de jauge brute et 12 navires marchands soit 81 000 tonneaux ont été détruits ou gravement endommagées.

Sources : S.L.C. « MAIALE » photographic reference manuel Italeri